Aujourd’hui, nous allons parler de quelque chose qui pourrait bien être la prochaine grande révolution dans le monde des réseaux sociaux (et au-delà du web en général) : Nostr (Notes and Other Stuff Transmitted by Relays). Vous vous demandez peut-être : « Qu’est-ce que c’est que ça ? Et pourquoi devrais-je m’en soucier ? »
Nostr est un protocole décentralisé (ou plutôt distribué) qui fonctionne via des serveurs ‘relais’ (situés un peu partout dans le monde) pour envoyer et recevoir des données. Un peu selon le principe de la blockchain sauf qu’ici un relais n’a pas besoin d’être une machine puissante, un simple Raspberry Pi fait l’affaire. Il est donc souvent présenté comme un réseau social nouvelle génération, mais il est bien plus que cela. Et si ce sont en effet les premiers services qu’il va remettre en cause, il peut avoir un tas d’autres applications
Les relais et les clés
Avec déjà plus de 550 relais publics, il permet aux utilisateurs de contrôler leurs données en temps réel sans s’identifier personnellement, sans donner d’adresse email ou faire de vérification téléphonique. Sans aucun de ces trucs ennuyeux que vous devez habituellement faire pour vous inscrire sur un réseau social !
Il fonctionne selon le principe de la double clé, une partie publique (npub) et une autre privée (nsec). Pensez-y comme au combo habituel identifiant/mot de passe. Lorsque vous voulez utiliser une application tournant sur Nostr, vos clés vous permettront de vous y connecter. Et sur chacune d’entre elles, vous retrouverez tout l’historique de vos contributions précédentes dès votre première connexion. Imaginez que vous avez un profil sur Facebook depuis des années et que vous créez un compte sur Twitter, et bien c’est comme si vos posts Facebook, vos amis, etc. étaient directement importés dans Twitter !
Vous pouvez donc changer de client ou d’application comme de chemises selon vos préférences du moment. Un rappel tout de même, votre nsec étant l’équivalent d’un mot de passe, vous allez faire attention à ne pas la donner à tout bout de champ.
Si le protocole a des points communs avec la blockchain, et qu’il intègre le paiement Lightning Network, ce n’en est pas une pour autant. Il n’utilise pas non plus de serveurs centralisés, pas d’architecture peer-2-peer, pas d’algorithme qui décide ce qui apparait dans votre flux, pas d’affichage de publicités, etc. Simplicité, résilience, sans tracking.
Un autre point à appréhender est celui de qui peut lire vos notes. Seuls les utilisateurs partageant les mêmes relais que vous le pourront. C’est différent de ce que nous connaissons sur les réseaux habituels puisqu’ici il est par défaut impossible de suivre tout ce qui est publié par tout le monde, même en suivant un flux global.
Nostr fait son trou
Nostr a été lentement développé dès fin 2020 par quelques participants sans financement jusqu’à il y a quelques mois. Puis Jack Dorsey (fondateur de Twitter) a donné 14 BTC pour booster le travail, attirant ainsi l’attention des développeurs et entrepreneurs. Dorsey a exprimé le besoin d’un protocole internet ouvert pour les réseaux sociaux, et Nostr est la réponse à ce besoin. Même Edward Snowden a rejoint le projet, renforçant la crédibilité de ce dernier. Le nombre de profils sur Nostr a augmenté de 5x en février 2023, ce qui montre bien l’intérêt croissant pour ce réseau.
Réseau qui peut aussi être déployé de manière privée. Les entreprises ou autres groupes peuvent faire tourner un relais privé et demander à leurs utilisateurs de n’autoriser leurs notes que sur ce dernier. Ainsi toutes les communications internes restent … en interne sur le relais de la boite. D’autres créateurs de relais peuvent aussi décider que les utilisateurs doivent payer une petite somme chaque mois pour publier chez eux, ou n’afficher que les notes avec un certain nombre d’interactions, etc. Le protocole permet donc pas mal de flexibilité selon les situations.
Les réseaux sociaux classiques
Comme vous le savez, les modèles corporatifs (Web2, GAFAM …) du 20e siècle ont leurs limites en ce qui concerne la liberté individuelle. Ces dernières années on ne compte plus les profils censurés ou supprimés pour des raisons pas toujours évidentes. Facebook, Twitter, YouTube, Instagram … personne n’y échappe. Au niveau financier, Bitcoin a changé les choses en 2009, décentralisant l’argent des banques centrales. Nostr pourrait faire de même avec la communication, évitant la censure par les géants de la Silicon Valley et les gouvernements.
Il y a quelques années, Mastodon avait tenté d’apporter une réponse à cela. Mais au final le « pouvoir » reste centralisé par l’entité qui fait tourner le serveur que vous rejoignez. Et qui peut vous virer dés qu’il en a envie.
Les problèmes des réseaux sociaux incluent le manque de contrôle sur les données, la publicité forcée et la déplatformisation (ça existe comme mot ? Bref quand tu te faire virer ^^). Et leurs demandes de plus en plus poussées pour obtenir vos infos personnelles. Meta a introduit ses badges vérifiés nécessitant une pièce d’identité, Twitter demande un selfie + un document officiel pour vous verser les gains de votre activité. Et les GAFAM travaillent de plus en plus étroitement avec le gouvernement, ce qui commence à être alarmant. Cela peut mener facilement à une société dystopique à la George Orwell. Et si vous pensez qu’il s’agit d’une théorie du complot, sachez que c’est déjà le cas en Chine où vous n’êtes pas autorisé à dire ce que vous voulez et où votre activité numérique est surveillée en temps réel.
Zaps et NIPs
Autre spécificité du protocole, les Zaps qui sont un système de micropaiements (dès 0.001$ ou même juste 1 satoshi). Rapides, ils sont envoyés directement aux créateurs de contenu en quelques secondes (via le Lightning Network de Bitcoin). C’est le début d’une période passionnante pour l’innovation avec de nombreuses applications probables à venir. Chacun peut donc supporter ou remercier tout créateur de contenu en 1 seul clic. Rapide et peu couteux (pas de 30% de commissions comme sur Patreon & Co).
Nostr est un protocole web simple, résilient, vérifiable et distribué. Basé sur des objets événementiels et la cryptographie asymétrique, il est flexible et résistant à la censure. Le web actuel, contrôlé par de grandes entreprises, est à reformer. Nostr facilite ce retour dans les rangs.
J’en parle plus en détail dans un autre article, mais Nostr dispose d’un système de fonctionnalités supplémentaires. Appelées les NIPs (Nostr Implementation Possibilities), elles sont des espèces de plugins permettant de greffer des options au protocole de base. Chiffrer les messages privés, possibilité d’ajouter le Proof-of-Work, emojis personnalisés, contenu long, etc. Une 50-aine de fonctions pour le moment, que chaque client/appli peut décider d’intégrer ou non.
Quelques applications à tester : Snort, Iris, Coracle, Primal, Damus (sur iOS), Plebstr ou Amethyst (sur Android). Elles gèrent bien entendu les fils publics, les messageries privées, les comptes à suivre ou qui vous suivent, les commentaires et likes, parfois les créations de listes et messages de groupe, etc.
« Inconvénients » de Nostr
Alors pour certaines personnes ce type de service a aussi ses désavantages. Comme cela fonctionne selon le principe de « relais », vous pourriez perdre tout votre contenu si vous ne partagez votre contenu QUE sur un seul relais. Si ce dernier disparait, vous n’avez pas de solution de secours. Pour éviter cela, c’est simple, il suffit de publier sur 10, 25 ou 50 relais (voire créer le vôtre). C’est pour cela que je parle de réseau distribué plutôt que décentralisé. Car si vous publiez sur 10 relais, il y a toujours la possibilité pour les 10 administrateurs de se mettre d’accord pour vous bannir partout à la fois.
L’autre frein (pour certains) c’est l’immuabilité de votre prose. Une fois que vous publiez une note, personne ne peut le supprimer … pas même vous. Donc pas d’édition pour fixer une faute d’orthographe qui blesse l’oeil, pas de suppression parce que vous regrettez l’insulte publiée il y a 6 mois. Avec Nostr vous devez défendre vos opinions. Peut-être que ça en fera réfléchir certains avant de publier, ce qui n’est pas plus mal.
La technologie est encore balbutiante, nous ne sommes encore que dans ses premiers mois d’existence. Mais pour avoir connu les débuts des réseaux sociaux il y a 2 décennies avec l’arrivée des Facebook/Twitter/MySpace & Co … c’est déjà plutôt pas mal niveau de l’avancement. Et ça laisse vraiment présager de bonnes choses, même si cela prendra du temps et qu’il faudra faire gonfler encore le nombre d’utilisateurs. En attendant gardez un oeil dessus 😉
Conclusion
Selon Derek Ross, contributeur à nostrplebs.com, Nostr sera la couche de protocole social reliant de nombreuses applications différentes. Une sorte de fondation unique qui donnera accès à des dizaines de services tout en respectant votre vie privée. C’est une sorte de base de données géante, à laquelle tout le monde a un accès illimité et cela de manière continue (si un serveur saute, les autres sont toujours là).
On voit déjà des dizaines de projets différents naître peu à peu. Comme un équivalent à Instagram, un autre à Twitch, des plateformes de podcasts et de partage vidéo, des raccourcisseurs d’urls, plateforme de financement participatif et même de petits jeux (type échecs, etc.) et un navigateur web. Je tâcherai de vous en présenter quelques-uns dans les prochaines semaines au fil de mes découvertes.
Rejoignez Nostr dés aujourd’hui et devenez une partie de l’avenir de la communication en ligne !
